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Le Cabinet des Voluptés...
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22 février 2013

Un fantôme dans les coulisses de la Défense

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Entre les tours, il tourne dans l'empire financier sans savoir où aller.

Usé par la folie des grandeurs qui lui donne le vertige, il se réfugie dans le centre commercial pour se sentir un peu plus confiné. Un regard sur ces gens qui se tiennent par la main et qui semblent heureux à marcher en public. Lui de son côté, il est seul au monde. Il n'a que son ombre pour réciter une réplique romantique à sa Vénus noire pendant que les autres décrochent la Lune . Il y a bien longtemps qu'il n'a pas emporté son amour dans son baluchon.

Dans la foule, il marche sur des pavés de marbre. La lumière l'éblouit, tête baissée, il poursuit son chemin dans ces couloirs à l'effigie des plus grandes marques. Des vitrines abritent des merveilles éclatantes à le rendre aveugle, mais sa vue est déjà troublée par tous ces gens qu'il croise sans jamais un seul regard de sympathie posé sur lui. Une ignorance qui l'assassine chaque jour un peu plus. Petit pigeon sans destination voyage en première classe dans l'architecture des rois et des reines du XXI ème siècle. Dans ce monde pailleté, son cœur s'assèche et ses paupières s'alourdissent. A chacun de ses pas, le sol se transforme en un chemin de pierres où règne la poussière de ses rêves brisés. Essoufflé, usé par les hommes, il ne supporte plus le bruit de la vie et préfère se noyer dans le silence. Il se terre derrière les portes qui mènent aux les coulisses de la Défense. Il s'assoit là, sur ce petit muret de béton recouvert de fientes de pigeons.

Ici, c'est la « Cour des Miracles ».

Lieu clos et grisâtre où s'imposent les odeurs nauséabondes de l'eau croupie et des ordures. Nous ne sommes plus sous l'Ancien Régime, ce n'est plus le lieu de vie des défavorisés de Paris. Fini ce temps de la loge avant d'entrer en scène et jouer le rôle de l'infirme pour avoir un morceau de pain à manger. Aujourd'hui, ce sont les exilés, à la fois visibles dans la rue et fantômes dans le regard des autres. Seul, le vague à l'âme, l'horizon funeste face à lui.

Il fixe le néant.

Pourquoi se retourner et poursuivre son chemin ? Puisque ce chemin ne conduit nulle part, que les routes sont faites de pavés effrités qui laissent choir et massacrent celui qui n'est jamais né et restera à jamais dans l'obscurité.Seul, un océan de larmes, le calme plat face à lui. L'heure est venue de prendre une décision. Ignoré par ces gens, vers quel monde se tourner ? Cela fait maintenant des années qu'il joue le pantin désarticulé dans cette société qui ne pense qu'à le ronger. Il a traversé des couloirs sans jamais atteindre l'issue qui mène à l'espoir. Il a dormi sous des ponts sans jamais avoir pensé à laver l'affront. Encerclé, par le béton et la tôle. Immobile, le dos voûté par la vie, il reste dans son berceau barricadé, à l'abri de la foule et de la magnificence. Invisible, le nez dans sa misère, il attend son tombeau barricadé, à l'abri des cris et de la lumière.

Il entend des pas.

Serait-ce l'armée venue pour le condamner ou bien un salarié venu le délivrer ?

Il redresse la tête et aperçoit la silhouette d'une âme dévouée. Il se lève et se met au garde-à-vous, le dos toujours courbé. Il relève sa mèche grisâtre qui cache son regard plissé pour montrer à cet être combien il est heureux. Il entend une voix le saluer, une voix qui lui est destinée. Non, il n'a pas rêvé. Son visage devient radieux. La grisaille disparaît de ses traits pour laisser place à la clarté.

 [...]

 

La veille de sa mort, il était en pleine forme. Il fallait voir ce qu'il encaissait le Michel. Il faut se dire aussi qu'un type comme lui, ça se se soigne au sirop à base raisin et qu'il ne s'arrête pas à trois cuillères à soupe par jour. Il avait tout pour être heureux dans ce squat. Il avait un tas d'amis et un tas d'ordures qui venaient lui rendre visite et enrichir ses moments de solitude. Il partageait son morceau de fromage avec ses potes. D'ailleurs, ça ne plaisait pas à l'italien qui tient le bistrot du coin, tout ce petit monde. Impossible de renier que ce n'est pas difficile d'avoir de nombreux amis lorsqu'on a que les rats à qui parler. Il vivait là, le Michel, entre quatre murs de béton. Une sorte de caveau vivant et ouvert vers le ciel.

Roxanne Du Lac

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